Séance 4 – Aiguiser son œil

Objectifs :
– Proposer une initiation à l'analyse de film afin de faciliter l'identification des enjeux d'une œuvre cinématographique.
– Mise à l'épreuve du regard critique avec la découverte du court métrage proposé pour l'atelier d'écriture.

• Premier récapitulatif des enjeux critiques

Un premier point pourra être fait sur les éléments à prendre en compte pour l'écriture d'une critique à partir des observations faites à la lecture de critiques. Lors des séances 2 et 3 (voir les mots en gras), ont entre autres été notés, dans le désordre, les aspects suivants : la prise en compte de la place du spectateur, le choix d'un titre, une brève mention de l'histoire, la restitution d'un style, l'évocation d'autres références artistiques, philosophiques, le rattachement à un genre cinématographique, une attention portée au jeu des acteurs, au type de production, au discours véhiculé par le film, à l'émotion qu'il suscite (ou pas). Autant d'éléments qui permettent de restituer l'univers du film et d'asseoir un point de vue critique.

• Initiation à l'analyse de film

Si une critique ne prend pas exactement la forme d'une analyse de film au sens scolaire du terme, elle doit néanmoins comprendre une dimension analytique qui permettra de développer des arguments et de donner du poids à l'avis exprimé. D'où la nécessité d'exercer un minimum son œil avant de prendre la plume. Sera rappelé à cette occasion que c'est par le visionnage de beaucoup de films que le regard se forme; avant d'écrire sur le cinéma les critiques sont des cinéphiles.
Sera donc proposé au cours de cette séance un temps d'analyse filmique à partir d'un extrait donné. Le choix se portera sur un début de film afin de saisir la manière dont on peut percevoir les enjeux d'une œuvre dès ses premières minutes, à travers notamment la manière dont est présenté le personnage principal.

Prenons par exemple le début de Johnny Guitare de Nicholas Ray (1954) que l'on trouve (non commenté) sur le site « Transmettre le cinéma ».
Que nous raconte d'emblée l'apparition des personnages ? Quels détails attirent notre attention ? Dans quel registre cinématographique semble s'inscrire le film ? Quel est le rapport à l'espace, au temps qui semble s'établir à partir de ces premières images ? Il s'agira au fond de se glisser dans la peau d'un détective à la recherche d'indices révélateurs des choix de mises en scène qui ont été faits. Cette sensibilisation aux choix d'un.e cinéaste est un point de départ très important pour l'analyse et l'exercice critique.
Concernant le cavalier solitaire, on peut déjà observer qu'il est à distance des événements qu'il observe, tel un spectateur, comme si les grands espaces n'appelait pas vraiment l'action, comme dans les westerns classiques. Restera-t-il ainsi en retrait tout au long du film ? N'est-ce pas là une manière de jouer avec les codes de ce genre cinématographique ? Cette intuition est renforcée par la guitare portée en bandoulière par le personnage, puis se confirme avec l'entrée en scène de Vienna (Joan Crawford), filmée en contre-plongée, dans une posture de domination et dans une tenue masculine, ce qui renforce son statut de patronne des lieux et de maîtresse femme. Les hommes sont à nouveaux relégués au second rang. On peut également saisir dans cette appréhension du saloon une certaine étrangeté. Celle-ci est liée à sa dimension fantomatique d'abord quand on le découvre pour la première fois dans un paysage désertique balayé par le vent puis quand on voit qu'il n'y a aucune activité, comme si le lieu était arrêté dans le temps. L'architecture du saloon lui donne une dimension artificielle et théâtrale soulignée par les dialogues, notamment la réplique finale d'un des employés de Vienna, face caméra, que l'on peut comparer à un aparté.

Pourra être consultée, pour plus de détails analytiques, l'analyse de séquence proposée dans le livret pédagogique consacré au film pour le dispositif Lycéens et apprentis au cinéma.

D'autres débuts de films sont à disposition sur le site « Transmettre le cinéma » .

• Projection du court métrage à critiquer

Le choix d'un court métrage pour s'initier à l'écriture d'une critique permet aux apprentis rédacteurs d'exercer leur regard sur une durée facile à appréhender. Nous vous proposons ici un court métrage libre d'accès sur le site d'Upopi.
Il s'agit d'un film de Lorenzo Recio, L'Infante, l'Âne et l'Architecte (France, 2001, 22 min, fiction).
En guise d'introduction au film, une brève présentation du cinéaste pourra être faite. Lorenzo Recio commence comme dessinateur pour la bande dessinée avant de se tourner vers le cinéma qu'il investit tout d'abord sous une forme animée : Le Principe du lézard (1995, réalisé à l'encre de chine), Le bal du minotaure (1997, réalisé au pastel). Suivrons des films en prise de vue réelle : L'Infante, L'Âne et l'Architecte, Le Marin acéphale, Lisa et Shadow. Son univers est marqué par la peinture, le conte et le rêve.
Les enjeux critiques cités en début de séance pourront être rappelés juste avant la projection ainsi que l'importance d'être attentif à la séquence d'ouverture du film.

Atelier « Première impression » :
Après la projection, les participants à l'atelier écriront en quelques mots leurs premières impressions. Ils formuleront également les questions qu'ils se posent sur le film, si questions il y a. Certaines d'entre elles pourront d'ailleurs être reprises telles quelles plus tard dans leur texte, car la critique de cinéma est peut-être avant tout l'art de se poser les bonnes questions sur un film. Les apprentis critiques mentionneront également la scène qui les a le plus marqués, en bien ou en mal.